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23 mars 2019 6 23 /03 /mars /2019 06:00

 

 

 

« DOUBLE ABSTRACTION »

 et

« TEMPS ET TRAVAIL ».

Exposé à l’invitation des étudiantes, étudiants de Master du Département d’ergologie.

Ecrit le 27 février 2014.

Présenté en vidéo le 13 mai 2014

(Voir repères à la fin)

 

 

 

Travail Abstrait, travail concret

 

Cette enveloppe de billets de banque, ce chèque, ce versement informatique qui nous est « donné » en échange d’un travail, d’une production suivant un ordre, d’une prescription patronale, par un privé ou l’Etat-patron, voilà ce qu’est le travail abstrait : un équivalent abstrait d’un travail concret, d’une dépense  « physique et intellectuelle », mise entre guillemets puisqu’elles  (ces dépenses) ne « fonctionnent » pas séparément mais dans l’unité de l’activité du corps-soi en rapport social.

 

Cependant si le rapprochement entre la paye et la dépense en travail concret est la plus visible pour illustrer le travail abstrait, le rapprochement est incomplet. Incomplet parce que la paye ne représente pas la totalité de la dépense en travail concret, mais une partie, l’autre partie étant la partie de dépense qui n’est pas payée au producteur, et qui est conservée par la propriétaire de l’outil de travail qui accumule le travail non payé en capital.

 

Que la propriété de l’outil soit aujourd’hui diffuse, que le capital se déplace à la fraction de seconde à travers les places financières vers des placements au plus fort taux de profit, et  ne soit pas visible dans sa totalité ni dans des entités correspondant à des ECRP aux activités bien identifiées, délimitées, cela ne change rien à la réalité du travail abstrait, comme au travail concret de cette ECRP précise, car c’est une réalité, toute abstraction ayant un support d’activité physique, est la photo d’une activité physique figée dans une quantité de temps.

 

SCHEMAS CRITIQUES DE LA CRITIQUE DE L’ECONOMIE POLITIQUE

 

Lucien SEVE a montré le lien entre baisse tendancielle du taux de profit, malgré l’augmentation en masse du profit lié à l’augmentation en masse de la production, du surproduit dans cette production, et la baisse tendancielle du taux d’intérêt psychologique dans l’activité de la personne. Il a cependant eu tendance, seulement tendance, malgré l’importance de cette découverte, évidente pourtant comme toute découverte une fois faite, à séparer travail concret et travail abstrait, comme si une part du travail était une activité motivante liée directement à un besoin humain personnel à satisfaire et une autre part du travail détachée, séparée de ce besoin parce que dépendante totalement d’une prescription sans lien avec ces besoins.

 

Yves SCHWARTZ a démontré, autre grande découverte,  qu’il n’y a pas coupure, séparation entre ces deux formes supposées de l’activité au travail. Inutile de développer ici devant des étudiants dont l’ergologie est le pain quotidien ce que sont ingrédients du travail et des compétences, motivation, normes antécédentes, activité tripolaire, activité et accumulation des savoirs investis. Il s’agit ici d’insister sur l’accumulation non investie parce que suraccumulée, ne trouvant pas débouché dans le système.

 

En ce sens Yves SCHWARTZ a inauguré une nouvelle ère de l’éthique. Une éthique non figée sur des notions de bien et de mal, qui malgré les grandes déclarations contre une vision manichéiste de ma génération, n’a pas encore perdu ce poids des représentations congelées qui freinent la conscience, la vision en miroir de nos gestes, et de l’activité inconsciente et consciente générale de la société humaine.

 

USAGE SAVANT ET USAGE POPULAIRE, USAGE DU TEMPS

 

L’usage savant précédent l’usage généralisé d’un progrès scientifique, technique et éthique, même si ce progrès n’est pas seulement issu d’une activité savante mais au contraire de l’activité « ordinaire », quotidienne humaine micro et macro,  il n’est pas étonnant que cette construction, ce mouvement de connaissance du travail aboutisse à la recherche sur l’activité scientifique et les conditions de sa santé à travers épistémologie et travail et l’activité de construction du mouvement des systèmes de concepts, et les épistémicités dont le terme désigne les catégories des concepts et des systèmes de concepts.

 

Pour ma part, ce n’est pas un chemin scientifique que j’ai suivi. J’ai quitté le Lycée en seconde pour travailler, au désespoir de ma mère. Pardon Maman ! C’est le lien de solidarité matérielle et morale dans le travail, qui non plus n’est pas étrangère à un travailleur des sciences, mais qui m’a conduit (seulement ?), moi, à la passion politique et syndicale, micro et macro aussi.

 

Mais, à l’inverse du chemin savant le chemin syndical et politique de base a suivi post festum le chemin scientifique. C’est un parcours classique pour les militants ouvriers.

 

Le chemin scientifique de Lucien SEVE et des chercheurs du XX° siècles, marqué un mode vie lié aux moyens de production de la grande industrie, des mentalités et des formes d’organisations qu’elle a induites, dans leurs différences, leur communautés et leurs identités, a eu à se déterminer, positivement, comme pour chacun, et même en creux par rapport au mouvement marxiste, conscience d’un processus inconscient de cette société industrialisé, y compris dans les campagnes, car il n’y a pas de frontière étanches dans l’activité générale d’une communauté de production et d’intérêts commun dans sa survie.

 

USAGE DU TEMPS ET MODE D’ECHANGE

 

Le rapprochement entre baisse tendancielle du taux de profit et baisse tendancielle du taux d’intérêt psychologique n’aurait pu se faire sans la découverte marxienne du fonctionnement de l’échange « Argent-Marchandise-Argent plus » et sa réalité non pas comptable, celle qui apparaît à la surface des choses, mais sa réalité économique qui est la recherche de la plus-value, le développement de l’accumulation capitaliste, sa suraccumulation et ses conséquences, les crises cycliques de l’échange-production des biens nécessaires à la vie humaine et la crise généralisée dans laquelle il semble que nous soyons entrés.

 

Certes, le mouvement ouvrier s’est longtemps contenté, en réponse aux besoins immédiats des luttes salariales, du temps de travail, du schéma de l’accumulation du profit, du mouvement en expansion de composition du capital, capital constant, variable et plus-value.

C’est au dogmatisme de ce schéma dans les organisations ouvrières qu’ont répondu les travaux de Lucien SEVE et d’Yves SCHWARTZ. Evidemment ceci n’est que mon point de vue, qu’une libre interprétation de mon approche de leurs travaux. D’autant que cette réaction à ce dogmatisme c’est aussi une immense reconstruction de nouveaux concepts, de synthèses d’ensemble de la représentation mentale de l’activité humaine, de conscience nouvelle qu’elle induit et de l’éthique nouvelle qu’elle peut faire naître.

 

Ces schémas ont cependant été essentiels. Ils ont déterminé les possibilités de libérer le temps et le travail par une autre utilisation du surproduit, c'est-à-dire par une autre utilisation de la partie de la production qui n’est pas utilisée par le capital et dans son mode d’échange actuel pour un simple renouvellement de la force historique de travail. Car il ne s’agit pas d’économiser la force de travail, en en limitant la qualité et la qualité de son renouvellement. Il s’agit d’économiser mieux la force de travail, c'est-à-dire  sans en mutiler le processus et le développement nécessaire à son corolaire, le développement des besoins en santé qui dépendent du développement général de l’humanité en santé, écologie comprise évidemment : c’est d’une utilisation et une conception quantitativement nouvelle de la force de travail historique qu’il s’agit.

 

MODE D’ECHANGE ET MODE DE PRODUCTION

 

Nous en revenons donc à la question de Travail et Temps. Ce n’est pas seulement une équation du premier degré, un calcul mathématique simple ou complexe. C’est le cœur de toute activité, des possibilités de libérer (la liberté est un mouvement qui peut stagner, être en expansion ou en régression), de libérer en tendance et en processus l’activité des contraintes naturelles et sociales.

 

Certes notre vie quotidienne façonnée pas le mode d’échange « A-M-A’+ » est un obstacle essentiel pour une prise de conscience nécessaire du besoin d’une autre forme de l’échange. De fait les normes historiques séculaires de l’échange nous sont tellement familières que nous avons grande difficulté d’en imaginer d’autres, une autre précisément. La tenue de GRT n’échappe pas  à cet obstacle, alors que paradoxalement ils constituent un moyen de les surmonter. C’est un effet du jeu des forces contradictoires générales qui s’opposent dans le mouvement général de la société et qui s’expriment dans toute activité. Dans le minéral-biologique-social en unité que constitue l’humaine vie pensant pensante.

 

Et l’usage du temps déterminant dans cet échange la mesure de la valeur d’échange, il est clair qu’une vision nombrilique des solutions à apporter pour cette libération, vision nombrilique liée aussi à la parcellisation à l’extrême des gestes du travail, n’aide pas à une vision d'ensemble et à la lutte d’ensemble requise à tout changement social.

 

Les représentations schématiques, malgré leurs avatars dogmatiques, dont il a été question ont été nécessaires au processus de la conscience ouvrière et salariale. Elles restent nécessaires. Non en tant que dogme, mais en tant que première et fondamentale compréhension de l’usage de soi par soi et par les autres, dans son unité comme nous l’a enseigné Yves Schwartz et non sa dichotomie.

 

Ils sont un premier pas, à mon sens, d’autant que le voile de la complexification des mouvements de la société tend à nous égarer sur des apparences plutôt que sur la compréhension de fond, la compréhension utile à la poursuite d’un processus qui s’il n’est pas un processus universel ou divin, selon nos diverses croyances, mais est le notre de processus, à nous humain.

 

PIEDS SUR TERRE MAIS SANS SIMPLISME TRIVIAL.

 

Comme le dit de façon simple et lapidaire Georges Lukàcs, quelles que soient nos croyances, il nous faut tenir compte que le monde existe indépendamment de notre pensée et que notre pensée en fait partie. Ainsi le platane qui arrête la course de notre voiture et de notre vie, si nous ne faisons rien pour l’éviter existe bien indépendamment de la conscience que nous pouvons avoir de son existence.

 

L’usage du temps de même, peut devenir le platane périlleux de notre chemin personnel et collectif.

 

Je suis éventuellement à la disposition de qui n’a pas familiarité avec les schémas de la critique de l’économie politique marxienne, pour en dire deux mots d’exposé et de schéma aujourd’hui ou plus tard.

 

Dans la DOUBLE ANTICIPATION, la téléologie du geste, la confiscation du produit de l’activité de la personne, et du geste lui-même, de sa téléologie, c’est cela l’aliénation capitaliste, sa mesure de l’échange, son indifférence aux valeurs sans dimension.

Bien sûr cette aliénation n’est qu’un moment de l’histoire du travail humain millionnaire en années, mais ne sont pas une pure « causalité des nécessités naturelles », c’est aussi dans le processus historique de la transformation de la nature en vue de satisfaire des besoins humains, une des bifurcations historiques peut-être nécessaire, mais pas automatique, non prédéterminée. Elle ressort de causes et de normes antécédentes et de volonté et de choix partant de consciences partielles, à l’échelle des perceptions et visions humaines et des consciences historiques possibles y correspondant relativement.

 

Certes on ne peut imaginer l’usage du surproduit et dont du temps s’il n’y a pas de surproduit. Mais cette condition qui induit des causalités ne détermine pas automatiquement un usage particulier du temps. Ce dernier dépend et de l’anankè, la nécessité,  et de la volonté humaine, dans ses choix en santé et de ses choix malades parce que « déadhérant sans retour » des besoins de l’espèce et de l’individu dans l’espèce, du travail savant en lien avec toutes les activités humaines,  ce qu’aide à accomplir les concepts d’épistémicités, sans que cela soit un guide, dogme, et en se méfiant de la dialectique, bien qu’elle soit indispensable.

 

La conscience de la nature sur elle-même que constitue l’humanité.

 

Pour paraphraser Yves Schwartz, on pourrait user du terme le temps-soi, qui exprimerait le mouvement qu’est le travail, le geste du travail, sa dépossession dans une mesure du temps effectuée par d’autre au détriment du corps-soi. Mouvement et temps sont l’expression de la nature, de la matière. L’usage contraint du temps est ce qui s’oppose à la conscience humaine et qui provoque toutes les fuites salutaires ou suicidaires tendant à une réappropriation désespérée. La maîtrise du temps que contient la bataille pour la réduction du temps de travail c’est une recherche de liberté saine. Il ne s’agit pas d’une réduction du temps de travail contraint pour fuir la nécessité de la production des biens nécessaires à la vie humaine. Il s’agit de rendre concrète l’activité humaine dans sa totalité et faire coïncider les divers horizons avec le présent à l’encontre d’une perception éclatée du temps, de son image et de sa réalité ultra parcellisée. Nous avons dit que le présent ne se perçoit qu’une fois passé et que cette perception est constituée de la conscience d’un passé immédiat en interaction avec les temps longs passés et une téléologie du geste futur individuel et collectif issue de cette résultante.

 

Mais la mutilation de l’horizon par l’aliénation au présent ne peut que mutiler ce même présent dans les gestes qui le constituent.

 

Dans la relation contradictoire entre le bulletin de paye en tant que concrétisation du travail abstrait et le temps libre, la résolution de cette contradiction est une des conditions sinon la condition première de la poursuite de l’humanisation et de la conscience de la nature sur elle-même que constitue l’humanité.

 

Mais pour ne pas faire de ces propos qui ne sont que les miens un dogme, disons pour finir que ce que nous disons,  c’est nous qui le disons.

 

La transformation de l’usage du surproduit par la transformation de la mesure marchande du temps, particulièrement par l’usage-transformation de la plus value relative et les techniques de son développement, se pose aux deux extrémités, aux deux bouts à tenir pour agir sur l’ensemble : l’ECRP et le marché mondial, transformation de la guerre de marché entre nouvelles économies émergentes et vieilles économies dominantes à travers leurs entités nationales et internationales.

 

Pierre Assante, 27 février 2014.

 

 

Schémas au tableau.

Ce sont des schémas et non une description approfondie de ce que nous pouvons percevoir de la réalité de l’activité.

 

ECPR = Entité collective relativement pertinente

 

Surproduit = quantité de produit dépassant la production nécessaire au renouvellement de la force de travail, dans des conditions matérielles, historiques et culturelles précises.

 

Travail concret = dépense physique et intellectuelle concrète, par exemple pour fabriquer un meuble, pour écrire un livre etc.

 

Travail abstrait = représentation abstraite par l’équivalent des travaux entre eux par la mesure du temps nécessaire à leur réalisation dont l’équivalent marchand, base de l’échange, est une mesure monétaire.

 

Composition du capital = Capital Constant (machines etc.) + Capital Variable (Salaires) + Plus Value (partie du travail non payé au salarié))

 

Taux de profit = Investissement en capital /sur la plus value

 

Baisse tendancielle du taux de profit =   rapport entre le capital constant et variable investis et plus value /sur la plus value. Plus le capital constant grandit, plus le rapport, le taux de profit diminue pour une marchandise donnée, même si la masse de la production en augmentant peut permettre l’augmentation de la masse de profit.

 

Baisse tendancielle du taux de d’intérêt psychologique = rapport-correspondance entre valeur marchande mesurable de l’activité et satisfaction des besoins matériels et moraux nécessaires à la force de travail en développement quantitatifs et qualitatifs. La baisse tendancielle a lieu lorsque la quantité croissante d’investissement psychologique ne répond plus à l’augmentation de ces besoins.

****

 

 

 

 

 

La Plus Value Relative s’obtient en augmentant  le % de plus value sans augmenter le temps de travail général, mais en augmentant la productivité et l’augmentation du travail non payé au salarié par l’augmentation de cette productivité. Ce qui s’est passé dans le keynésianisme première version et les 30 glorieuses.

 

 

 

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